j'ai pris un coup de soleil à Soweto

Après Johannesburg, la destination importante pour moi était Soweto.
Mes parents, expatriés en Afrique du sud, sont arrivés 3 jours après les émeutes de 1976. Pour rappel, le soulèvement de 1976 à Soweto, en plein apartheid, concerne d'abord les collégiens et lycéens à qui le gouvernement impose l'afrikaans comme langue d'étude. Les élèves organisent une manifestation très vite stoppée par la police à coup de lacrymogène et de fusil. C'est ce jour que Hector Pieterson (13 ans) est tué, pour ceux qui connaissent la photo qui fit le tour du monde :

la manifestation se transforme alors en soulèvement général de Soweto et d'autres townships, bien sûr violemment réprimé par le pouvoir... mais cette violence a pour conséquence de réveiller la conscience du monde face à la politique sud-africaine d'apartheid et permet à la résistance de se renforcer.
Bref, un lieu historique, mais aussi symbolique de l'Afrique du sud actuelle... Si Soweto, qui est immense, développe des quartiers riches ou disons familiaux (middle class), ils restent petits comparés aux quartiers pauvres voir très pauvres. Un très grand nombre vivent encore dans des bidonvilles sans eau courante ni sanitaires individuels. et si, à l'époque de l'apartheid on pouvait se dire "c'est à cause du gouvernement", aujourd'hui beaucoup ne comprennent pas pourquoi leur situation n'a pas changée depuis. Je conseille au passage ce bouquin : "Johannesburg, la fin de l'apartheid : et après ?" où différentes opinions se croisent concernant l'état du pays, son avenir. vu de Jo'burg et de Soweto.

Pour revenir à notre voyage : Franck, notre grand conseiller es-tourisme, nous suggère de loger à Soweto au Lebo's Backpackers. nous suivons ses conseils sans nous poser de question. Franck connait bien Lebo, le propriétaire de l'auberge. Ils ont organisés ensemble des fêtes pour les enfants du quartier. D'ailleurs Lebo fait beaucoup pour les habitants et les enfants. C'est important  pour lui de participer au développement économique du quartier grâce au tourisme, et avoir ce rôle, lui garanti aussi une sécurité à lui comme à ses clients. Et puis il ne supportait pas de voir les touristes dans les cars, faire le tour de Soweto sans sortir ni aller à la rencontre des habitants. Il se sentait comme un lion au Kruger Park...
Il a donc créé son auberge et propose à ses clients des tours de Soweto à vélo... ce qu'on a fait. Nous n'étions que Damien et moi, avec notre guide, Philip, le frère de Lebo.  et c'est là que j'ai attrapé un méchant coup de soleil sur le visage...
Notre guide nous a trop raconté d'histoire pour que je puisse tout mettre ici, alors je vais me baser sur quelques photos. Au passage : étrangement (parce qu'on a lu que Soweto pouvait être un quartier dangereux), j'ai pris beaucoup plus de photos là bas qu'à Johannesburg... Mais il y avait Philip avec nous qui nous a dit que nous pouvions sans problème sortir notre appareil, et aussi, les maisons étant bien moins surprotégée de fait, nous nous sentions paradoxalement plus en sécurité...

Le backpackers est en plein coeur de Soweto, à Orlando West, un quartier "middle class".

au loin, les deux cheminées symbolique de Soweto et de l'apartheid : ce qu'il reste d'une usine nucléaire construite en plein coeur de la ville, au milieu de ses habitants...

le stade en construction pour la coupe du monde 2010... mais qui n'accueillera pas de match, uniquement les entrainements. Lebo espère que cet évènement favorisera le désenclavement de son quartier.

au loin, les montagnes artificielles créées par l'activité minière. Véritable mur séparant Soweto de Johannesburg. A l'époque de l'apartheid il permettait de marquer la division blanc/noir et de cacher l'un à l'autre... L'arrivée à Soweto depuis Jo'burg était impressionnante : la ville reste invisible tant que cette immense muraille n'est pas dépassée, et apparaît d'un coup, immense et tellement différente avec ses toutes petites maisons les unes sur les autres.

Un petit marché. Juste à côté, une "case" en tôle ondulée où Philip nous fait entrer. il y a du monde à l'intérieur. on nous fait asseoir, puis un vieux nous raconte l'histoire du lieu.  C'est un Shebeen ou bar clandestin. Les regroupements et la consommation d'alcool était formellement interdits pour les Noirs lors de l'apartheid, c'était alors dans les shebeens que les gens se  rencontraient pour discuter et boire de la bière "faite maison". Aujourd'hui les vieux et les chômeurs s'y rencontrent toujours, dans le noir, autour d'un seau de bière qu'on nous a fait goûter. Mais à 10h du matin ça fait mal...

Derrière l'étalage du marché, il y a un regroupement de petites maisons que l'on voit mieux ici : ce sont des hostels. D'anciens logements pour mineurs. Hommes et femmes vivaient séparés et n'avaient pas le droit de loger une famille. Aujourd'hui des familles vivent dans ces petites maisons réaménagées, mais où il n'y a toujours pas l'eau courante.

Philip nous a confié à un habitant du quartier pour nous servir de guide. Pendant le tour, nous sommes allés voir un sangoma : un guérisseur.  il nous a fait rentrer  dans son  "cabinet", nous a présenté son métier et, pour nous (et 10e), il a fait appel aux ancêtres et a lu dans les runes : je vais avoir un problème aux ovaires, être bonne dans mes études, avoir une grande ferme, et il faut que je me tourne du côté juif de ma famille pour être sure d'avoir des sous... personne n'était dupe, ni nous, ni lui... mais nous sommes tout de même sortis de chez lui avec une bouteille pleine d'un liquide rose fluo, et une autre bleue fluo, a utiliser pour se purifier. Ce que nous avons fait dès le lendemain, et qui nous a valu deux jours plein de patchouli... 

Nous sommes passés par le Hector Pieterson Memorial, accolé  au très beau musée sur Soweto. Ici une classe visite le musée.

puis nous avons goûté au Soweto burger : une grosse tranche de pain de mie à laquelle un morceau de mie a été retiré, des frites, de la salade, des morceaux de tomates, de l'oignon, du ketchup, un oeuf , on ferme avec le morceau de mie retiré et voilà ! avec un soda bien sucré au citron, c'est un régal !

Nous avons terminé le trajet en passant devant la (une des) maison de Mandela, puis celle (une de celles) de Desmond Tutu, dans les quartiers très riches de Soweto.

Comments

[cécile]

JP arrive par ici et te vouvoie, pas mal !!
Super, super, super, super, ton voyage…

[stéphanie]

WOW ! Merci beaucoup, votre commentaire me fait très plaisir !
Juste une toute petite précision : on est bien d'accord que je ne parle que de l'Afrique du sud (et encore, ce que j'en ai vu de mes yeux de touriste) et non de tout le continent africain que je suis très loin de connaître !

[jean-philippe]

Grace à vous j'ai voyagé !! vous en parlez bien de ce continent fascinant ! et oui ! le drame c'est que l'Afrique souffre de ses richesses .... je connais un peu le Cameroun pour y etre allé en 1999 ... c'est extraordinaire comme pays ! je vous salue !

[stéphanie]

haha ! merci pctdf ! pour la musique : c'est l'hymne national chanté par les Mahotella Queens. la première partie est en zulu, la seconde en africaans, et la dernière en anglais.

[pctdf]

Quel talent d'écrivain, tu devrais publier ton carnet de voyage entre histoire et annecdoctes persos (ma préféré le guerrisseur). J'adore la musique qui nous accompagne dans notre lecture, on est bien plongé au coeur de l'Afrique...